HISTOIRE DE LA FONDATION D’UNE CITE

 

DE    FORUM JULII    A   FREJUS

 

Les historiens antiques sont demeurés muets en ce qui concerne la fondation, les commencements précis de Fréjus.

 

Pour ajouter à son antiquité, des historiens se sont plus à lui attribuer une origine phocéenne. Aucun document n’est jamais venu étayer l’idée que des Grecs-massiliotes aient pu posséder un de leurs comptoirs en cet endroit. De même, les recherches archéologiques n’ont apporté jusqu’ici aucune révélation à ce sujet.

 

La conquête de la Gaule transalpine fut suivie d’une tenace politique de romanisation. Dans la jeune province de la Narbonnaise, une vieille route ligure suivait le littoral méditerranéen, empruntait la rive gauche de l’Argens pour rejoindre Aix. Les Romains établirent le long de ce chemin une suite de gîtes d’étapes.

 

Aux origines de Fréjus, il y eu probablement un de ces postes de ravitaillement pour les troupes de passage qui servait de marché pour les colons et les indigènes. La situation du castrum renforce cette hypothèse ; celui-ci possédait une valeur stratégique certaine que décrit parfaitement l’historien des Gaules, Camille Jullian : « Fréjus ouvrait et fermait la Gaule, épiait à l’Est et à l’Ouest les ports innombrables des côtes ligures et provençales et surveillait les longs sentiers qui descendaient des montagnes voisines ».

 

On sait que le territoire fréjusien, situé entre les massifs de l'Esterel et des Maures, coupé en deux parties par le fleuve Argens, faisait partie de celui occupé par une tribu Celto-Ligure, les Oxybiens (Vème siècle Avant J.C.), que les Romains soumirent en l'an 155 Avant J.C.

 

Les Ligures (du celte : hommes de la mer) étaient des peuples de marins, de pêcheurs et également de cultivateurs. Ils avaient leurs habitats le long du littoral méditerranéen, depuis le delta du Rhône à l'embouchure de l'Arno, en Italie. Les Oxybiens étaient une de ces peuplades occupant notre région et dont la capitale Aegytna devait se trouver à proximité de notre ville, probablement Agay. Elle fut détruite lors de l'expédition du Consul Quintus Opimius en même temps que leurs voisins les Décéates.

 

Les Romains s'établirent définitivement en Gaule Méridionale entre l'an 126 AvC, (expédition du Consul F, Flaccus) et l'an 124 Avant J.C. (expédition du Proconsul Caïus S. Cavinius ).

 

 L'établissement des Romains à Fréjus, date très probablement de cette époque. Il faut attendre le milieu du 1er siècle Avant J.C. pour trouver dans le texte, la première mention de Forum Julii (le Marché de Jules), dans la correspondance de Cicéron, datée de l'an 43.

 

L'on ne peut assurer que Jules César fut le fondateur de notre cité, le nom ,de Julien, qu'elle partage avec tant d’autres villes antiques dont César ne fut point à l'origine, il fut pris sans doute, en hommage au grand tribun.

 

En tout état de cause, l’acte officiel de la naissance de Forum Julii ( devenu Fréjuls, puis Fréjus ) est constitué par une lettre de Cicéron, datée de l’an 43 Avant J.C. dans laquelle l’on voit pour la première fois apparaître ce nom.

 

Forum Julii, par sa situation géographique, commandait un noeud routier et stratégique important, clé de passage de l'axe Rome - Narbonne, il est possible que cette place forte, la " claustra maris", la clé de la mer, citée par Tacite, ait été renforcée au moment de I’invasion des Cimbres et des Teutons, par le dictateur Marius. On peut admettre l'hypothèse que le port ait commencé à être creusé à cette époque (112 Avant J.C.).

 

Après l'assassinat de Jules César dans le Sénat , le 15 mars de l'an 44, Rome profondément troublée, traversa une période de guerre civile. C'est alors, que les généraux romains, commandants en Gaule Méridionale, Marc-Antoine et Lépide, réunirent leurs armées au pont sur l'Argens, sur le territoire de la commune des Arcs sur Argens, à 23 kilomètres de Fréjus. L'armée rebelle est considérable, plus de 40.000 hommes de troupe. Elle compte les VIIème, VlIlème (dont les vétérans s'implanteront plus tard à Fréjus) IXème Légions, plus de trente cohortes de cavalerie gauloise et enfin la fameuse Vème Légion des Alouettes, dont le souvenir est parvenu jusqu’ à nous.

 

Que Marc-Antoine, qui fut un grand général, ait choisi notre ville comme point de ralliement, montre l'importance du lieu. Qu'il puisse résider pendant huit mois avec son armée, prouve l'importance économique de Forum Julii.

 

C'est donc dans cette plaine d'Argens, sous nos murs, que va se sceller un des évènements les plus marquants de l'histoire romaine, la rencontre de Marc-Antoine et de Lépide, prélude à la formation du deuxième triumvirat de Rome avec Octave, petit-neveu et fils adoptif de Jules César (mai 43 Avant J.C.).

 

Ce triumvirat, qui en fait prit naissance à Forum Julii, vécut douze années. Les triumvirs se partagèrent l'Empire :

Lépide conserva le gouvernement de Rome et de l'Italie.

Marc-Antoine retint l'Orient où il s'établit et ou sa destinée lui fit rencontrer Cléopâtre, reine d'Egypte, qui devait le perdre.

L 'Occident échut à Octave.

 

Revenu bientôt à Rome, Octave songea à se débarrasser de cet inutile Lépide. Il le força d’aller prendre le commandement de l’Afrique déjà depuis longtemps conquise.

 

Marc-Antoine s'étant conduit d'une façon injurieuse envers Rome, l'Orient et l'Occident s'affrontèrent. Les flottes de Marc-Antoine et de Cléopâtre réunies livrèrent bataille avec celles d’Octave, dans la mer d'Epire, devant le promontoire d'Actium sur la rive occidentale de la Grèce. Octave, vainqueur du combat, envoya dans le port de Forum Julii, quelques trois cents galères, rescapées du désastre naval (Tacite, Livre IV des Annales). C'était l'an 31 Avant J.C.

 

Peu d'années après la bataille, le Sénat, le reconnaissant de la paix rétablie, lui donne le nom d’Auguste qui devient désormais son nom. En même temps, Auguste ajoute à son nom le titre d’Imperator qui, sous la République désignait les généraux victorieux.

Le dénouement des guerres civiles de Rome (44-30 Avant J.C.), assura à notre cité un destin remarquable. C’est sans doute pendant la période augustéenne ( 27 - 14 Après J.C.),que Fréjus acquit le titre de colonie romaine avec l'arrivée des vétérans de la VIIIème

Octave Auguste

 

Légion  « Octava Augusta ». Comme la plupart des villes du monde romain (édit de Caracalla) Forum Julii bénéficie du droit romain (citoyenneté) et de son autonomie administrative. Ses institutions sont calquées sur celles de Rome.

 

La ville de Forum Julii s'étendait sur plus de 40 hectares, son enceinte fortifiée avait près de 4 kilomètres de pourtour, sa population de l'ordre de 30.000 habitants. Elle était le siège d'un préfet de la Flotte (colonia classica), d'un tribunal de droit romain, d’un important marché (blé, bois d'oeuvre, huiles d'olives, vins, saumure, céramiques de terre cuite), ainsi que les exploitations de carrières de porphyre et de grès (meules, mortiers, colonnes, pierres de taille, constructions navales, arsenal), etc...

 

Le port de Forum Julii couvrait plus de vingt hectares. Il a été creusé dans un étang et était relié à la mer par un chenal de six cents mètres. Il comprenait également deux citadelles et un arsenal. Certains indices font supposer son existence dès l'époque républicaine. Il fut par son importance le troisième port de l'Empire, après Misène et Ravenne.

 

Un aqueduc de 40 kilomètres alimentait en eau potable la ville depuis la Siagnole à Mons (voir le site Internet http://www.chez.com/siagnole )

 

L'évolution de Fréjus au cours du Bas-Empire (IIIe siècle) nous est très mal connue. Il serait hasardeux de prêter à la ville une décadence rapide. La construction assez tardive de l'amphithéâtre semble contredire l'hypothèse d’un déclin sensible à la fin de l'Empire.

 

Fréjus dominait alors un vaste territoire, celui de la « civitas forojuliiensis » dont les limites sont celles de l'évêché médiéval.

 

Le premier document connu sur l'église de Fréjus date de l'an 374. Il relate l'élection de l’évêque Acceptus, par le clergé et le peuple. Beaucoup d’historiens ont pensé, non sans raison, que le christianisme devait être implanté bien avant Forum Julii (passage de Saint Jacques en l'an 37. lors de son voyage en Espagne, ou de Saint Paul en l'an 62 sur le même chemin.  Saint Trophime, envoyé par Saint Pierre, fonde l'église d'Arles (comment ne pas admettre que c'est lui qui donna son premier évêque à Fréjus ?). C’était la règle apostolique de laisser un responsable chrétien dans toutes les cités importantes (lettre de Paul à Tite). De plus, l'ancienneté du siège épiscopal nous est attestée par l'étendue qu'avait autrefois son diocèse dans l'histoire ecclésiastique.  Les diocèses les plus vastes sont les plus anciens, or de tous les diocèses qui jadis l’entouraient, Fréjus était le plus étendu.  On peut donc admettre, que dès le premier siècle, notre cité eut une communauté chrétienne et son évêque.

 

La grande figure de Saint Léonce, saint protecteur de notre antique cathédrale et du diocèse, ouvre la longue liste de nos évêques.

 

Saint Léonce est élu en 400, évêque selon la tradition. Une grande partie de la Provence a été placée sous sa juridiction en tant que vicaire apostolique. C’est sous son pontificat qu'à certainement été terminée la cathédrale primitive de Fréjus (380-420).

 

En l’an 572, les Lombards, venus du Dauphiné, ravagent Fréjus, que parachèvent les Saxons en 574.

 

Pendant trois cents ans nous ne savons rien sur notre cité. La Provence vit une vie précaire: les Wisigoths, les Lombards, les Burgondes déferlent sur notre sol, semant la désolation et la mort. Les Francs et les Arabes se livrent bataille. Fréjus est ravagée, les survivants se retirent vers l'arrière pays, sur les éminences fortifiées. A la fin du IXe siècle notre ville est complètement détruite. Les Sarrasins s’installent au Fraxinetum (La Garde-Freinet) dans le massif des Maures.

 

Les derniers carolingiens qui se disputaient la couronne de Provence, avaient laissé s’installer les Arabes au Fraxinetum sans jamais les combattre, mieux même, ils leur avaient abandonné en fief, moyennant redevance, les vallées entourant la citadelle. Les Maures recevaient continuellement par la mer des renforts et des armes, et de cette citadelle lançaient des raids jusqu’en Savoie  et en Piémont.

 

En 973, Saint Mayeul, abbé de Cluny, né à Valensolles, est pris au col du Grand Saint Bernard par une bande de Sarrasins qui demande au religieux de Cluny une forte rançon. Les moines réunissent la somme et obtiennent la liberté de leur abbé, mais ils soulèvent tout le pays très rapidement. Guillaume 1er, comte de Provence lève l'Ost. Des batailles ont lieu dans les Alpes provençales à Embrun, Gap, Riez. Les Arabes battus se replient vers le Fraxinetum pour se regrouper. Ils sont défaits à Tourtour, Ampus, Cabasse. Assiégés par terre et par mer, la citadelle est enfin prise et rasée. Une grande partie des hommes d'armes sont tués, les autres forcés à se faire baptiser et réduits à l'esclavage.

 

Après ces évènements, en 990, pour reconstituer son patrimoine, l’évêque Riculphe reçut du comte Guillaume la moitié de la cité et du port comme seigneur évêque. A juste titre on le nomme le « bâtisseur ». Il va relever Fréjus de ses ruines, bâtir la cathédrale, fortifier la ville avec une enceinte entourée de tours. Les restes de l’enceinte nouvelle donnée à la vile par Riculphe montrent combien s’était réduite l’antique et prestigieuse cité de Forum Julii. La population ne comptait plus qu’un millier d’habitants à peine.  Avec Riculphe le bâtisseur, évêque de Fréjus, abbé de Montmajour, commence l’histoire moderne de notre ville.

 

L'avènement de Jacques d'Ossa au siège épiscopal en 1299, cardinal en 1311, il devenait pape sous le nom de Jean XXII en 1316. Il contribua à embellir la ville et fit venir à Fréjus ses neveux qu'il nomma cardinal et archidiacre.

 

Au XIVème siècle, Jacques Juvenal des Ursins, patriarche honoraire d'Antioche, Jean du Belley, Ubin de Fiesque (après une longue querelle entre le pape et le Roi René qui ne voulait pas d'un étranger sur le siège épiscopal), furent des grands prélats.

 

En 1480, la peste ravage le littoral provençal, semant la désolation et la mort dans notre ville. C’est dans ces circonstances qu'en 1482 le célèbre moine de Calabre, François de Paule, débarqua dans le port de Fréjus et selon une tradition bien établie délivra la ville du fléau. Depuis cette date, chaque année, Fréjus célèbre avec éclat la fête de ce saint qui est devenu le second patron de la cité.

 

Au XVIe siècle, l’ancien port romain avait depuis un certain temps cessé de fonctionner. Sa communication avec la mer ayant fini par s’obstruer. Il était devenu une sorte d’étang ou plutôt de marais.

 

En 1550, les Fréjusiens firent construire un canal dérivé de l’Argens pour arriver aux eaux stagnantes de l’ancien port ; mais cette mesure s’avéra insuffisante pour rendre la salubrité à la ville. Vers l’année 1560, un homme de génie pour son temps, Adam de Craponne, que l’on peut considérer comme l’ancêtre des ingénieurs hydrauliques, offrit aux habitants de restaurer entièrement l’ancien port. Ses offres n’ayant pas été acceptées, l’habile ingénieur s’employa utilement au dessèchement d’autres marais plus ou moins rapprochés de la cité qui ajoutaient certainement à son insalubrité. L’historien Bouche nous l’apprend en ces termes : «  Adam de Craponne, dit-il fut employé à dessécher plusieurs marais en divers endroits de la Province, et surtout au terroir de Fréjus, en quoi il réussit partout avec bon succès ».

 

Bien que son port ne fonctionna plus, Fréjus était toujours compté au nombre des villes maritimes. C’est ainsi qu’un édit du Roi Henri II, daté du mois d’août 1555, établit un siège d’Amirauté à Fréjus. Celle-ci avait une juridiction spéciale, indépendante des tribunaux ordinaires, elle connaissait tous les faits et contestations relatifs à la marine et au commerce.

 

 

 

SOURCES

 

- FORUM JULII – FREJUS. 2000 ans d’histoire par Roger CASTAGNE

 

- DES EVENEMENTS ET DES HOMMES ( Service archéologique de la Ville de Fréjus)

 

 

Vito Valenti

Juillet 2002